Likez, partagez, commentez ! »… L’embarras des consommateurs face aux injonctions des marques.
La façon dont les marques parviennent à toucher les consommateurs a considérablement évolué avec l’apparition des médias sociaux. Par le biais de ces canaux, elles peuvent aujourd’hui s’adresser directement à leurs clients et pas seulement pour leur présenter leurs nouveaux produits. Une forme de communication se met en place en nous incitant à agir : « Réagissez », « partagez », « donnez votre avis » … Le consommateur du XXIème siècle est poussé à réagir, évaluer et relayer sur les différents produits que proposent les marques. Mais comment ces injonctions sont-elles réellement perçues ?
Une nouvelle étude scientifique le démontre : donner trop d’ordres aux internautes peut produire l’effet inverse de celui recherché. Autrement dit, plus une marque vous dit quoi faire, moins vous avez envie de le faire.
Cette recherche, publiée dans la prestigieuse revue Psychology & Marketing, a été menée par Andria Andriuzzi, enseignant-chercheur à l’Université Jean Monnet, laboratoire Coactis, et Géraldine Michel, professeure et directrice de la Chaire Marques, Valeurs et Société, IAE Paris-Sorbonne. Leur conclusion est claire : le ton employé par une marque compte autant que son message.
Quand les marques mettent mal à l’aise…
« Donnez votre avis ! », « Réagissez ! », « Partagez maintenant ! ».
Ces injonctions sont devenues monnaie courante dans la communication des marques. Leur objectif est simple : provoquer une réaction rapide. Et pourtant, cette stratégie peut produire un effet totalement contre-productif.
Les chercheurs montrent en effet que ce ton trop directif peut générer un sentiment d’embarras chez les internautes, y compris chez ceux qui se contentent d’observer la conversation. On parle alors « d’embarras par procuration » : on se sent gêné pour l’autre, ici pour l’internaute à qui la marque donne des ordres en public.
Et ce malaise n’est pas qu’une impression subjective. Il a été mesuré à grande échelle. Pour parvenir à ce constat, les chercheurs se sont appuyés sur une analyse massive de plus de 271 000 publications sur X (ex-Twitter), complétée par trois expérimentations en ligne. Résultat : plus le message est formulé comme un ordre, plus l’engagement diminue, moins de likes, moins de commentaires, moins de partages.
En voulant trop forcer la participation, certaines marques finissent par faire fuir l’interaction.
L’importance de la relation à la marque
L’effet négatif du ton directif n’est pas le même dans toutes les situations. Les chercheurs ont observé qu’il devient particulièrement fort lorsque la marque ne parle pas directement de ses produits, mais aborde plutôt des sujets plus larges : ses valeurs, ses engagements sociétaux, ses prises de position ou son image. Dans ces contextes plus sensibles, une injonction du type
« Réagissez ! » peut sembler déplacée, artificielle, voire intrusive, ce qui renforce le sentiment de malaise.
Mais tout n’est pas perdu pour autant. La qualité de la relation entre la marque et ses consommateurs joue un rôle clé. Lorsqu’un internaute est déjà attaché à une marque, qu’il lui fait confiance ou qu’il se sent proche d’elle, il sera beaucoup plus indulgent face à un ton directif. À l’inverse, si le lien est faible ou inexistant, ce type de message peut suffire à provoquer rejet ou indifférence.
Plus la marque est perçue comme proche, plus elle peut se permettre de demander… sans donner l’impression d’ordonner.
Des conséquences concrètes pour le marketing… et l’intelligence artificielle
Cette recherche ne s’adresse pas qu’aux universitaires. Elle a des applications très concrètes pour : les équipes marketing, les community managers, les agences de communication et même les concepteurs de chatbots et d’outils d’intelligence artificielle.
Car aujourd’hui, de nombreuses interactions entre marques et consommateurs sont automatisées. Or, un chatbot trop autoritaire pourrait, lui aussi, générer de la gêne… et faire fuir les clients. Il ne suffit donc pas de dire les bons mots, il faut aussi employer le bon ton.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Andriuzzi, A. & Michel, G. (2025). Embarrassed to observe: The effects of directive language in brand conversations, Psychology & Marketing. https://doi.org/10.1002/mar.70018
